Le malheur des autres
Quand j’étais petite, je ne comprenais pas comment ça fonctionnait la vie en société. Je trouvais injuste le fait que certains étaient populaires et aimés de tous pendant que d’autres étaient rejetés et intimidés. J’ai vite compris qu’on ne part pas tous avec les mêmes chances dans la vie. L’injustice que certains subissaient me dégoutait. Je me liais naturellement d’amitié avec d’autres enfants qui, comme moi, étaient loin d’être populaires. Ce n’était rien pour augmenter ma popularité. Je n’avais pas beaucoup d’amis et je passais beaucoup de temps seule à lire ou à étudier. J’imagine que le bon côté quand on est un rejet, c’est qu’on devient bon à l’école. Pourtant, j’ai essayé très souvent d’être comme eux, mais j’avais toujours cette boule dans la gorge qui me disait que ce n’était pas moi. Alors, je m’isolais. Je me disais qu’il valait mieux être invisible qu’être rejetée et intimidée.
Au secondaire, mes amis et moi se rencontrions dans la cage d’escalier. Oui, je sais, c’est bizarre. Nous nous sentions à l’abri du jugement des autres (enfin presque) comme si nous étions enfermés dans une tour. Nous n’étions ni populaires, ni rejetés. En fait, les autres ne nous connaissaient pas vraiment. La plupart passaient à côté de nous sans nous voir.
Puis, une fois adulte, j’ai compris que ça n’allait pas en s’améliorant ; qu’une fois adulte, les injustices se multiplient. Même si j’ai appris à faire comme si j’étais à l’aise dans cette société qui s’aime et s’entraide de moins en moins, Je ressens encore cette pression dans ma poitrine qui trouve que tout ça n’a pas de sens. Je suis toujours aussi choquée quand je constate à quel point l’humain peut être mauvais. Heureusement, il peut aussi être d’une bonté sans nom. J’ai toujours aussi mal lorsque je vois des gens souffrir. Le sentiment d’impuissance me ronge à l’intérieur pour ceux sur qui la vie s’acharne. Ça me rend malade lorsque ceux que j’aime souffrent.
Ces derniers temps, la vie ne nous a pas épargné. Je me rends compte que ce n’est pas normal à quel point tout m’affecte. Que ce soit un de mes proches ou un parfait inconnu, je ne peux pas voir quelqu’un qui ne va pas bien sans sentir l’anxiété monter. Ça va de pire en pire. Serais-ce l’accumulation ? Ou encore est-ce que je me rends compte qu’en vieillissant, le risque qu’il nous arrive quelque chose augmente ? Peut être est-ce parce que notre société est de plus en plus malade et que ça me fait peur ? Toutes ces réponses ? Une chose est sure, je ne peux pas continuer comme ça. Mais comment faire pour calmer cette anxiété qui grandis en moi ?